Alimentation et MICI, quels facteurs de risques ?

Article publié le

« Il existe aujourd’hui suffisamment d’éléments dans la littérature qui montrent l’intervention des facteurs d’environnement et notamment des facteurs diététiques dans la genèse des MICI » affirmait le Pr F. Carbonnel le 10 janvier 2025, lors de la journée de recherche dédiée au lien entre MICI et environnement organisée par l’AFA au Ministère de la santé (cf. vidéo ci-dessous). Mais alors que sait-on avec certitude à ce jour ?

Conférence du Pr Carbonnel - MICI et environnement - 10/01/2025

Sans surprise, l’alimentation ultra-transformée (AUT) est particulièrement incriminée comme facteur de risque pour le déclanchement d’une MICI et /ou d’une poussée inflammatoire. Nous entendons ici AUT dans sa définition large et selon la classification NOVA. Il s’agit de l’industrialisation de nos sociétés appliquée à la nutrition. Nous parlons donc de procédés de fabrication modifiant la structure des aliments, l’usage d’additifs et le conditionnement notamment plastique des produits alimentaires.

Les additifs que contiennent ces aliments sont particulièrement pointés du doigts : la maltodextrine, certains édulcorants et la catégorie des émulsifiants (en particulier carraghénanes, CMC, P80). Les travaux de l’équipe du Dr Benoit Chassaing ont démontré que deux émulsifiants particulièrement répandus, le carboxyméthylcellulose (CMC) et le polysorbate-80 (P80) modifiaient directement la composition du microbiote humain, augmentant sa capacité à induire une inflammation intestinale[1]. On peut également citer le dioxyde de titane (E171), couramment utilisé auparavant comme colorant blanc (chewing-gums, produits laitiers…) et interdit depuis 2022 par principe de précaution.

Autre problème, la faible qualité nutritionnelle de ces aliments ; ils sont riches en sucres, sel, graisses saturées, voir trans et parallèlement pauvres en micronutriments dont les acides gras essentiels, vitamines et fibres. La diminution de la consommation d’aliments riches en fibres est directement corrélée à l’appauvrissement de nos microbiotes et à l’inflammation intestinale. En effet, il est reconnu que la fermentation des fibres par le microbiote produit des acides gras à chaîne courte (AGCC), bénéfiques pour l’intégrité de la muqueuse intestinale et la modulation de l’inflammation[2]. Quant à la surconsommation de sucre et de graisses (notamment saturées), ce sont des facteurs inflammatoires bien documentés, et partiellement réversibles, comme le montre une étude[3] réalisée en 2021 par un groupe de chercheurs, dont le Dr Djésia Arnone et le Pr Laurent Peyrin-Biroulet, tous les deux membres de l’IHU Infiny, institut de recherche dédié aux MICI.

Les emballages et contenants plastiques, chauffés et réchauffés sont également incriminés. Une étude publiée en janvier 2022 a révélé que les patients atteints de MICI présentaient une concentration fécale de microplastiques 50 % plus élevée que les individus en bonne santé. Un projet de recherche mené par le même institut Infiny pour explorer les impacts des habitudes alimentaires et des microplastiques sur les MICI est actuellement en cours[4].

A l’inverse, des études de cohortes internationales, complétées par des méta-analyses basées sur le Nutri-score et la classification NOVA ont montré que l’adoption d’une alimentation peu transformée et à haute valeur nutritionnelle diminuait les risques de déclencher une MICI[5]. L’alimentation dite méditerranéenne est celle qui semble la plus appropriée pour la prévention des MICI, mais également pour nombre d’autres pathologies. Elle implique une plus large consommation de fruits et légumes, de légumineuses et de poisson gras, sources d’oméga 3, de fer, de vitamine D, B12 et de zinc.

En résumé, en l’état actuel de la recherche, nous pouvons affirmer que l’alimentation fait partie des facteurs influençant l’apparition d’une MICI et/ou d’une poussée inflammatoire. Certains modes alimentaires augmentent les risques tandis que d’autres le réduit. Ce n’est pourtant pas si simple, il existe de nombreux exemples de personnes ayant des habitudes alimentaires proches de la diète méditerranéenne et développant malgré tout une MICI.

Le Salon des MICI de 2024 qualifiait la maladie de Crohn et la RCH de « maladies environnementales », à ce titre d’autres dimensions dans le mode de vie sont à prendre en considération, comme la pratique d’une activité physique, le sommeil ou encore la gestion du stress. Il s’agit de pathologies multifactorielles où la notion d’épigénétique tient une part essentielle et l’interface entre génétique, environnement/mode de vie et microbiote.

 

Le rôle des diététicien.ne.s est donc crucial, d’abord au niveau de la prévention, mais également de la prise en charge des MICI. En 2023, l’ESPEN (Société Européenne de Nutrition Clinique et Métabolisme) a mis à jour ses recommandations nutritionnelles pour les MICI[6] et préconise que tous les patients atteints de MICI bénéficient de conseils individuels de la part d’un.e diététicien.ne pour améliorer la thérapie nutritionnelle, éviter la malnutrition et les troubles liés à la nutrition. Une bonne nouvelle, qui reste à traduire en actions concrètes, à l’hôpital comme en ville.

L’IHU de Nancy propose le vendredi 16 mai 2025 une conférence sur la recherche dans les MICI : mieux comprendre les dimensions environnementales et systémiques. Le lien ici pour davantage d’information.

Article de Doriane Cotel et Coline Dehaye

[1] Dietary emulsifiers directly alter human microbiota composition and gene expression ex vivo potentiating intestinal inflammation – PubMed

[2] Activité physique, alimentation et microbiote, Pr Harry Sokol

[3] Frontiers | Long-Term Overconsumption of Fat and Sugar Causes a Partially Reversible Pre-inflammatory Bowel Disease State

[4] Un projet novateur pour comprendre les liens entre les habitudes alimentaires et maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)     – IHU INFINY

[5] Analysis of Microplastics in Human Feces Reveals a Correlation between Fecal Microplastics and Inflammatory Bowel Disease Status | Environmental Science & Technology

[6] ESPEN guideline on Clinical Nutrition in inflammatory bowel disease

 

Partager

Inscrivez-vous à notre newsletter !