» C’est que du bonheur «
Présentez-vous
Je m’appelle Elsa Schweitzer et je suis passionnée par la réalisation documentaire. J’ai réalisé un BTS Cinéma & Audiovisuel au Luxembourg. À présent, je suis responsable de studios de création numérique dans un centre culturel et en parallèle, je réalise des films documentaires.
Comment est né le projet de ce film ?
Durant mon cursus, je devais réaliser un projet de film de fin d’études. La réalisation documentaire était pour moi une évidence et généralement, on débute cette pratique en réalisant un portrait d’un membre de sa famille. J’avais envie de traiter d’un sujet très
intériorisé et intime sur lequel je n’avais aucun recul: le rapport entre ma petite sœur et sa maladie. Souvent, nous avions tendance à parler de son cas entre adultes en famille, sans jamais avoir forcément son regard sur la chose. Je pense que la maladie était tabou car c’était quelque chose de totalement inédit et inconnu pour nous. J’avais donc réellement envie de connaître son point de vue sur la RCH et quels étaient ses moments les plus marquants depuis qu’elle vit avec cette MICI. L’idée était que le film soit aussi bien un exutoire pour elle que pour moi.
Qu’avez-vous voulu transmettre à travers votre réalisation ?
J’avais besoin de documenter ce portrait avec pudeur, sans apporter du “pathos” et en s’appuyant sur son témoignage personnel uniquement. Grâce à la mise en abîme de l’animation, Lucie se confiait sans gêne : je posais la caméra pendant des heures et elle m’expliquait dans les détails ce qu’elle avait envie de raconter. Avec ce choix d’inclure du “stop motion”, le but était que Lucie s’empare complètement du film, qu’elle soit libre de dire ce qu’elle a sur le cœur et de révéler des éléments qu’elle n’avait encore jamais racontés. Au-delà d’être la protagoniste de l’histoire, c’était la seconde réalisatrice du projet: elle a choisi ce qu’elle voulait raconter et avec quel procédé. Elle a aussi participé à la composition de la musique et surtout au choix du titre ! Le but était de ne pas lui donner d’indication de mise en scène ou autre, j’ai donc été très étonnée qu’elle me propose ce titre “C’est que du Bonheur”, sans aucune ironie, pour un film qui va parler d’elle et de la RCH. À travers ce moment de partage, je pense en avoir beaucoup appris sur le vécu d’une maladie et surtout sur ma petite sœur: une jeune fille déjà mature, pleine de créativité et de résilience. J’admire profondément son courage et sa force que je n’ai pas, elle est un exemple pour moi.
Comment avez-vous vécu l’annonce de la maladie de Lucie ?
Je pense que comme pour chaque famille, c’est un moment très douloureux. En plus, Lucie a eu des crises très longues et vraiment impressionnantes, c’était un état difficile à accepter, surtout pour une maladie qui restera à vie. Surtout quand cela touche la petite cadette, aussi jeune, j’ai ressenti de la colère et une culpabilité énorme car ayant aussi des problèmes de ventre mais pas aussi grave, j’aurais préféré avoir cette maladie à sa place. Je pense que beaucoup de proches ressentent et se disent la même chose mais il faut apprendre à accepter l’absurdité, le non-sens de la situation et soutenir la personne malade. Lucie a appris à vivre avec sa maladie et désormais l’accepte complètement. Alors après la tristesse, il est temps de devenir forte comme elle et la pousser vers le haut pour qu’elle réalise aussi de beaux projets dans sa vie.
Est-ce que vous diriez que la RCH a donné une autre dynamique à votre relation ?
Totalement. Nous n’étions pas très proches au début, sans doute dû à l’écart d’âge (9 ans tout de même !). Je n’ai jamais vraiment exprimé mes sentiments mais désormais j’apporte plus de soutien dans ces projets et je l’encourage vivement dans ces activités sportives et créatives car la maladie ne doit pas lui mettre d’obstacles dans sa vie.
En tant que grande sœur, êtes-vous plus impliquée dans sa maladie ?
En tant que grande sœur, il y a toujours cette volonté de vouloir protéger sa petite sœur mais dans ce cas là, il est impossible de l’aider concrètement. Je pense que, comme toute la famille, on devient un soutien émotionnel. je pense être à présent plus à l’écoute Chacun dans la famille a un rôle et je pense qu’en tant que grande sœur, j’essaie de lui faire prendre du recul sur sa maladie, de dédramatiser la situation (sans pour autant faire abstraction de son état). Je dirais que je ne la traite pas comme une personne fragile dont il faudrait avoir pitié, au contraire, Lucie ne se résume pas à une personne malade, elle est avant tout une jeune ado avec ses hauts et ses bas.
Qu’est-ce que l’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Pour Lucie, j’espère qu’elle ne subira plus ses lourdes crises grâce à son traitement et que ce dernier ne lui apportera pas d’effets secondaires non désirables. Je lui souhaite aussi qu’elle continue à être autant optimiste pour la suite ! Du côté du film, j’aimerais organiser des projections ciné-débat avec des professionnels de la santé ou des associations pour sensibiliser le grand public à cette maladie qui touche de plus en plus de monde, tout âge confondu.