Bonjour,
Je ne suis qu’un simple malade qui souhaite vous faire part de mon expérience. Elle peut être différente d’une personne à l’autre et ne va peut-être pas s’appliquer à vous. Cependant, si une petite partie de mon témoignage peut aider une seule personne, alors mon message aura au moins servi à cette personne et c’est déjà formidable.
Les premiers symptômes se sont déclarés en décembre 2008. La maladie a commencé doucement avec 2/3 selles par jour. Les jours, les semaines et les mois se sont écoulés et les symptômes ne reculaient pas et avaient tendance à s’empirer avec la sensation de fatigue qui augmentait et aussi une sensation de nervosité intérieure. J’ai consulté le médecin traitant 6 mois après la déclaration des premiers symptômes qui m’a dirigé vers un gastroentérologue. La présence de sang dans les intestins a permis de poser un diagnostic assez rapidement. J’étais atteint d’une rectocolite hémorragique (RCH). Quand les symptômes de la maladie sont relativement légers, les premiers traitements sont aussi légers. J’ai donc commencé par des lavements de Quadrasa puis des comprimés de Fivasa. L’amélioration n’était pas au rendez-vous, il a fallu augmenter la puissance du traitement. J’ai donc commencé une cure de cortisone avec une dose élevée au départ (60 mg pour moi) et une diminution progressive des doses. Cela a marché au début avec réduction des symptômes. Puis, en réduisant la dose, les symptômes reprenaient. J’ai en tout effectué trois cures de cortisone avec la dernière qui a duré 2 ans. Voici le premier enseignement que je retire de mon expérience de la RCH au sujet de la cortisone.
Enseignement n°1. La cortisone. Il existe deux types de cortisone utilisés pour traiter la RCH à ma connaissance : celle à effet général qui va influencer l’ensemble du corps et celle à effet local, à base de comprimés gastro résistants, qui va cibler la partie de l’intestin malade. Il me semble que la cortisone à effet général a plus d’effets indésirables que la cortisone à effet local. Cette dernière a été efficace puis est devenue inefficace au bout d’un certain nombre de mois de traitement peut-être à cause de l’étendue des lésions qui étaient présentes tout le long du colon et du rectum. En ce qui concerne la cortisone à effet général, elle soigne sur le moment mais, d’après mon expérience, dès que la dose a été baissée sous une certaine limite, la maladie a repris le dessus, j’étais devenu cortico-dépendant. La cortisone peut aussi ne plus faire effet quelle que soit la dose prise, je suis également arrivé à devenir cortico-résistant. Autre point à signaler concernant la cortisone, elle a tendance à faire grossir et notamment à gonfler le visage ce qui peut-être gênant esthétiquement. La cortisone m’a hypersensibilisé aux produits salés. Pendant ma première cure, je ne faisais pas spécialement attention au sel et lors de la troisième cure, je ne supportais plus l’ingestion de produits salés. J’ai pu reprendre une consommation modérée de sel lorsque la dose de cortisone était faible (< 5-10 mg). Il faut savoir aussi que la cortisone à effet général, à dose moyenne ou élevée, va altérer de manière importante le sommeil et également l’humeur de la personne. Après plusieurs mois de traitement à base de cortisone, je n’étais plus vraiment moi-même avec des accès d’agressivité ou d’impulsivité qui ne me ressemblaient pas. J’ai eu aussi de brefs problèmes de peau qui sont peut-être dus à la cortisone et qui ont été résolus rapidement par le dermatologue. Enfin, la cortisone détruit les os progressivement. Pour ma part, j’ai arrêté la cortisone en septembre 2014. Mais je suis traité actuellement pour de l’ostéoporose qui consiste à prendre un comprimé de biphosphonate par semaine. Le traitement doit être pris pendant 2 ans, aux termes desquels un bilan avec le rhumatologue sera fait à l’aide d’un examen appelé ostéodensitométrie. La qualité de la densité osseuse est obtenue en ayant une bonne supplémentation en vitamine D et en calcium. Cela m’amène à parler de l’enseignement n°2, la vitamine D et le calcium. Enseignement n°2. Vitamine D et calcium. N’attendez pas que votre gastroentérologue vous prescrive de la vitamine D et du calcium. Vous devez vous prendre en charge vous-même et faire le nécessaire auprès de votre médecin traitant. Celui-ci peut demander à vérifier votre taux de vitamine D et de calcium en effectuant une simple analyse de sang. En fonction de cela, il pourra vous prescrire des suppléments. On trouve assez peu de vitamines D dans la nourriture, il est donc conseillé de prendre des ampoules de vitamine D ou sous forme de gouttes à prendre tous les jours. Pour ma part, je prends une ampoule tous les mois à 80000 UI. Le calcium est présent en grande partie dans l’alimentation. Certaines eaux minérales contiennent une quantité importante de calcium (Hépar, Courmayeur ou Contrex). On trouve aussi du calcium dans les produits laitiers. Le phosphore est également une composante importante des os. Suite à un examen sanguin indiquant un taux de phosphore en dessous du taux minimal, il a fallu que je le supplémente en prenant des gouttes à base de phosphore chaque jour pendant quelques mois. Votre médecin traitant ne va probablement pas avoir le réflexe de surveiller votre taux de phosphore et donc à vous de le lui demander. Vitamine D, calcium et phosphore m’amènent à aborder le troisième enseignement : l’alimentation. Enseignement n°3. L’alimentation. Ce n’est pas la peine de parler d’alimentation à votre gastroentérologue. Il va vous dire qu’il faut manger de tout sauf en période de crise où il faut faire un régime sans résidu et que si un aliment ne passe pas, ne mangez plus de cet aliment et quand cela va mieux, essayez de le réintroduire. Il faut reconnaître que, dans la plupart des cas, les gastroentérologues sont assez limités sur le sujet et qu’il ne faut rien attendre d’eux, ce n’est pas leur compétence. En ce qui me concerne, j’ai supprimé le gluten et le lait de vache de mon alimentation depuis avril 2014. Depuis que cela va mieux (janvier 2016), je consomme à nouveau des aliments à base de gluten et lait de vache mais de manière très modérée. Le but est de se faire plaisir sans exagérer. Supprimer le gluten de l’alimentation ne va pas, à mon avis, guérir la RCH mais permet de se sentir mieux et d’avoir une digestion facilitée. Le gluten est trouvé dans beaucoup d’aliments : pain, pates, semoule, pizza, pâtisserie etc. Au début, il est difficile de manger sans gluten mais petit à petit, on trouve des substituts. J’ai remplacé les pates et la semoule par le riz et les pommes de terre. J’ai substitué le pain par des tartines craquantes (riz, châtaigne, sarrazin, maïs, multicéréales etc.) de Céréal Bio, Pain des Fleurs, Allergo, et aussi du pain sans gluten Genius trouvé en grande surface. Pour faire des pates à tartes, j’utilise de la farine de mais, de la fleur de mais (maïzena), farine de riz, de châtaigne etc. Avant la maladie, je supportais le lait de vache mais avec la maladie, je ne le supporte plus. Boissons, yaourts et fromages au lait de vache ont été supprimés dans un premier temps. Le calcium était supplémenté en partie par des fromages au lait de brebis et au lait de chèvre qui sont beaucoup plus faciles à digérer pour ma part. J’ai remplacé le lait de vache par des boissons végétales (soja, riz, châtaigne…). Les yaourts au lait de vache ont été substitués par des yaourts au soja. Encore une fois, le régime ne m’a pas guéri mais a permis de me sentir mieux et peut-être qu’il a contribué à faire un pas vers la rémission. A noter que la consommation trop importante de produits contenant des sucres rapides (gâteaux, pâtisserie, soda etc.) empirait généralement mon état de santé. Continuons à parler de l’alimentation en se focalisant sur les vitamines. Cela constitue le quatrième enseignement. Enseignement n°4. Les vitamines. Encore une fois, n’attendez rien de votre gastroentérologue. Vous avez une maladie de malabsorption de certaines nutriments mais il ne va pas traiter les carences éventuelles dues à cette malabsorption, il va se concentrer exclusivement sur le traitement de l’inflammation. Pour ma part, je prends en pharmacie des suppléments en vitamines non remboursés par la sécurité sociale tels que Berocca, Bion ou Alvityl. En parlant de malabsorption, il y en a une qui est assez importante chez moi, il s’agit de celle du fer qui entraîne une carence. C’est mon cinquième enseignement. Enseignement n°5. Le fer. La maladie RCH peut engendrer une malabsorption du fer. Une carence en fer est relativement difficile à supplémenter avec l’alimentation. Le médecin peut vous prescrire des comprimés de fer à avaler chaque jour mais avec des intestins fragiles, il est fort possible que vous ne supporterez pas longtemps ce traitement. Dans ce cas, le médecin va vous envoyer à l’hôpital ou dans une clinique faire une perfusion de fer. Cela prend une petite demi-journée. Le taux de fer peut-être facilement contrôlé par une prise de sang. Demandez à votre médecin traitant de contrôler le fer si vous avez plus de mal à avoir un rendez-vous avec votre gastroentérologue. Regardons maintenant les différents types d’examens qui permettent de voir l’état du malade et des intestins. Il s’agit de l’enseignement n°6. Enseignement n°6. Les examens. Il existe plusieurs types d’examen des intestins. L’examen endoscopique par vidéo capsule. Il consiste à ingérer une capsule qui peut enregistrer une vidéo de la paroi intestinale. Je ne sais pas si le système a été amélioré mais quand j’ai fait cet examen (août 2010), cela était efficace pour observer l’intestin grêle et moins efficace pour le colon à cause de son diamètre plus large que celui du grêle. Un autre examen qui ne nécessite pas d’endormir le patient est la recto-sigmoïdoscopie. Il faut avoir fait préalablement un lavement avant l’examen qui est plus ou moins douloureux selon l’état des intestins. Cet examen permet d’observer l’état du rectum et la partie basse du colon. C’est pour moi un des examens les plus importants car il permet rapidement de savoir si les intestins sont encore dans un état inflammatoire et donc de savoir si le traitement est efficace ou pas. En effet, le malade, même s’il pense se sentir mieux, peut toujours avoir des intestins dans un état inflammatoire. Un examen plus lourd est la coloscopie qui nécessite une anesthésie générale. Avant l’examen, il faut boire plusieurs litres d’un produit au goût désagréable. L’examen est sans douleur. Les douleurs peuvent survenir après selon encore une fois l’état des intestins. La coloscopie permet une exploration plus poussée du rectum jusqu’à l’intestin grêle et aussi de faire plus facilement des prélèvements. J’ai aussi subi un examen au lavement baryté en mars 2014. Je ne sais pas si cela se fait encore. L’examen se fait sans endormir le patient et n’est pas agréable. Il existe aussi un examen qui permet de voir la paroi des intestins par l’intermédiaire d’une entéro-IRM. Grâce à cet examen, le spécialiste a découvert fortuitement un caillot de sang au niveau de la veine iliaque qu’il a fallu traiter à la clinique. J’ai dû suivre un traitement anticoagulant pendant 2 ans pour éviter la formation de caillots et porter des chaussettes de contention pendant plusieurs mois. Le spécialiste de ces problèmes s’appelle un angiologue. Outre les examens des intestins, le gastro va faire des bilans sanguins régulièrement non seulement pour voir si la maladie ne dégrade pas trop la formulation sanguine mais aussi pour avoir une idée de l’intensité de l’inflammation, entre autres, par l’intermédiaire du marqueur de l’inflammation CRP (protéine C-réactive). Ce marqueur n’est pas toujours pertinent car dans mon cas, la CRP était basse et j’étais toujours en crise. En revanche, un taux élevé du nombre des plaquettes est souvent le signe d’un état inflammatoire. Le sang est aussi surveillé pour voir si le traitement en cours pour traiter la RCH n’altère pas trop les qualités du sang. Passons maintenant aux différents traitements que j’ai suivis pour traiter la RCH. Enseignement n°7. Les traitements. Puisque les traitements légers ne faisaient plus effet et que j’étais devenu résistant à la cortisone, il a fallu passer à des traitements plus lourds. Ce sont des traitements qui réduisent le système immunitaire. Le premier essayé a été l’imurel qui est administré sous forme de comprimés à prendre chaque jour. Même en augmentant les doses progressivement, l’imurel n’a pas permis d’améliorer mon état de santé. Le gastroentérologue m’a donc prescrit tout d’abord du rémicade qui consiste à faire des perfusions à l’hôpital puis de l’humira basée sur des piqures à faire chez soi. Pas d’amélioration. J’ai été intégré dans un essai clinique pour tester une molécule récente : la tofacitinib qui est administrée sous forme de comprimés à prendre quotidiennement. Il n’y a pas eu d’amélioration. Le gastro m’a donc prescrit du védolizumab qui nécessite de faire des perfusions à l’hôpital mais encore une fois, il n’y a pas eu d’amélioration.
J’allais, au plus mal de la maladie, 10 à 15 fois au toilette par 24h. Mon poids était de 57 kg, alors qu’avant la maladie, celui-ci culminait aux alentours de 75 kg. La sensation de nervosité intérieure était toujours présente. Je pense que celle-ci était due à l’état inflammatoire. J’étais aussi sous le poids d’une fatigue écrasante. Chaque tâche de la journée se terminait par de la fatigue qui s’accumulait jusqu’à la fin de la journée. En effet, je commençais à être bien fatigué à partir de l’après-midi et j’étais souvent épuisé à la fin de la journée sans pourvoir bien récupérer la nuit à cause des besoins impérieux pour aller aux toilettes la nuit. J’ai l’impression que cette sensation de fatigue a diminué après avoir commencé quelques mois auparavant le régime pauvre en gluten et lait de vache et m’être supplémenté en vitamines et minéraux. A noter également que j’ai eu de brefs problèmes de palpitations qui étaient peut-être dues à cette fatigue. Il n’y a pas eu de traitement mis en place par le cardiologue pour ces problèmes de palpitations passagers.
Juste une petite parenthèse concernant le côté pratique. Quand le passage aux toilettes est fréquent à la maison, il est utile d’avoir un seau hygiénique à disposition dans une autre pièce en cas d’urgence. Aussi, le port de change complet, trouvable en pharmacie ou en grande surface, a permis d’améliorer un peu ma qualité de vie. Cela permet de sortir en stressant un peu moins même si faire dans sa culotte, avec ou sans couche, reste une expérience éprouvante. Pour soigner les petits bobos autour de l’anus, j’utilisais une crème rectale appelée Proctolog prescrite par le gastroentérologue.
Pour en revenir aux traitements médicamenteux discutés précédemment, ceux-ci ont été administrés sur une longue période étalée sur plus de 6 ans. Cela me conduit à parler de l’enseignement n°8, le temps. Enseignement n°8. Le temps. Il existe un éventail assez large de traitements pour traiter la RCH. Cependant, les périodes pour que le traitement fasse effet peuvent être longs. J’ai testé l’imurel plus d’un an. Mon état ne s’empirant pas, il y avait toujours espoir que cela s’améliore en augmentant les doses. Mais l’attente de l’amélioration peut-être excessivement longue. D’autant plus qu’un certain nombre de traitements ne font pas effet. On attend donc minimum trois mois pour savoir s’il fait effet. Au bout de trois mois, si le traitement est inefficace, le gastro en prescrit un autre et il faut attendre trois mois supplémentaires pour voir s’il fait effet. Quand un grand nombre de traitements ont été testés sans succès, il est question de faire appel à la chirurgie. Pour ma part, il s’agissait de supprimer la totalité du colon et du rectum. L’enseignement n°9 concerne la chirurgie qui est proposée quand les médicaments sont en échec. Enseignement n°9. La chirurgie. Après avoir testé 7 traitements différents (fivasa, cortisone, imurel, rémicade, humira, tofacitinib, védolizumab), l’arsenal thérapeutique commence à se réduire et les espoirs de rémission deviennent de plus en plus faibles. Le gastroentérologue a donc commencé à me parler de la chirurgie. J’ai eu rendez-vous avec le chirurgien et même avec l’anesthésiste. Je trouvais que mon état de santé était mauvais mais pas désespéré, je voulais croire qu’il était encore possible de trouver un traitement salutaire. Je sais aussi que l’acte chirurgical n’est pas garanti de succès à 100%. Il y a toujours des risques que cela ne se passe pas bien et que l’on soit plus mal après l’opération qu’avant. J’ai donc résisté et tenu le coup malgré la suggestion de plus en plus insistante de mon gastroentérologue et du chirurgien de me faire opérer. J’étais prêt à suivre d’autres essais cliniques pour tester de nouvelles molécules. En attendant d’intégrer un essai clinique, mon gastro me propose de prendre du pentasa en granulés en association avec du simponi qui est administré à l’aide de piqures à faire chez soi. Bien lui en a pris, car 6 mois après avoir débuté le traitement, je n’avais plus qu’une à deux selles par jour et enfin, j’avais les idées claires et repris du poids. Conclusion. J’ai commencé le traitement pentasa plus simponi en septembre 2015. Actuellement, cela va bien. Une coloscopie est prévue dans les mois à venir pour voir l’état de la paroi intestinale. Je sais que la maladie est toujours présente en moi. Il suffit d’un écart trop important dans l’alimentation pour que le ventre me fasse mal ou que les selles soient plus liquides. Je sais que ce moment d’accalmie est probablement passager et que la maladie se réveillera un jour ou l’autre. Il est aussi possible que mes intestins, après avoir été autant malades, soient beaucoup plus fragiles et donc beaucoup plus susceptibles de développer des tumeurs plus ou moins mauvaises pour la santé. Mon combat de ne pas me faire opérer va peut-être servir à rien et il faudra tout de même passer sur la table d’opération. Au jour d’aujourd’hui, cela va bien, et je souhaite que vous tous, frères et sœurs ayant des problèmes de santé proches du mien, vous trouviez aussi le bon traitement le plus rapidement possible pour continuer à vivre sereinement. Je n’oublie pas les malades qui ont dû être opérés et pour qui je souhaite aussi un état de santé satisfaisant. Eric